OMG

Publié le par Gisèle

Ceci est un essai, au sens premier du terme : je vais tenter (autant que me le permet ma pauvre intelligence) de décrire dans cet article les raisons pour lesquelles je suis devenue athée, ce que cela implique dans ma vie de tous les jours, et d'expliquer pourquoi il est important pour moi de communiquer cet état d'esprit et de le revendiquer. Je veux préciser tout de suite que tous les propos qui vont suivre résultent de mon opinion personnelle, et ne sont en aucun cas l'expression d'un « consensus athée », car je ne pense pas qu'il existe (et il ne devrait pas exister) un dogme de la non-croyance.

Le Larousse définit l'athéisme comme la « doctrine qui nie l'existence de Dieu. (Cette position philosophique ne se confond [pas] avec l'agnosticisme, qui est le refus de prendre parti dans les débats métaphysiques) ». Comme je ne peux pas m'empêcher de faire la maligne, je ne suis pas vraiment d'accord avec cette définition. Elle ne correspond en tout cas pas à la manière dont je vis les choses en tant qu'athée. Selon cette définition, il y aurait deux points de vue possibles : l'agnostique, qui (en gros) se bat les rouflaquettes de ce que les uns et les autres peuvent bien penser et ne pense lui-même absolument rien, et l'athée, qui affirme haut et fort qu'il n'y a pas de dieu, point à la ligne. Sans vouloir chipoter, il y a quand même un juste milieu : celui de penser que, sans rejeter complètement le concept divin, les religions (leurs origines et tous les rites qu'elles impliquent) sont un fatras de superstitions et de comptes de fées destinés à rassurer des civilisations primitives privées pendant longtemps de l'accès aux sciences modernes. Après tout, qui sommes-nous pour dire qu'il n'y a pas de dieu ? Peut-être y en a-t-il un (ou plusieurs, très discret(s)), mais en l'absence de preuves, il est plus sage de garder ce concept à l'état de vague hypothèse et de s'occuper de choses plus concrètes et certaines, comme son bronzage, la préparation d'une tarte tatin ou encore la rédaction d'une réponse complète et argumentée à la question :

 

Comment passe-t-on de grenouille de bénitier à suppôt de Satan ?

 

Ce qui me connaissent depuis longtemps savent que j'ai été élevée dans la foi catholique (ne vous moquez pas, c'est la formule consacrée) et que j'ai cru en Dieu dur comme fer pendant des années, jusqu'à ce que je devienne une jeune adulte capable de raison. J'allais à la messe de mon plein gré, j'ai reçu tous les sacrements possibles pour une fille (à l'exception du mariage et de l'onction des malades) et passé une bonne partie de mes vacances en camps scouts ou dans des abbayes. Si je ne crois plus aujourd'hui, ce n'est pas par rejet, puisque je n'ai jamais eu de mauvaise expérience par rapport à la religion : il n'y avait pas plus de connards dans les églises qu'ailleurs, je n'ai pas été battue par des bonnes sœurs dans un internat, ni abusée par un prêtre, ni endoctrinée. Mes années de jeune catholique ont été des années heureuses et je me souviens encore du bonheur que me procurait le sentiment d'être aimée de Dieu et ce genre de conneries. Pourquoi, alors, ais-je donc changé d'avis ?

D'abord, ça ne s'est pas fait du jour au lendemain. J'ai commencé par remettre en question l'organisation de l'Eglise Catholique : des vieux puceaux qui se réunissent pour dire aux gens comment vivre leur vie de couple et leur sexualité, ça me semblait un peu étrange. Mais les contradictions étaient bien plus nombreuses : tu peux parler à Dieu quand ça te chante dans le secret de la prière, mais par contre, quand il s'agit de se faire pardonner ou de communier, il faut passer par quelqu'un qui est spécialement autorisé à jouer l'intermédiaire et lui livrer des choses sur ta vie que tu n'oserais dire à personne (mais que tu lui dis quand même parce que tu crois au sacrement de la réconciliation). [Bon, attention, je fais confiance aux prêtres à qui je me suis confessée, mais tout de même, dire à un môme qu'il faut qu'il raconte tout ça à un vieux monsieur pour que Dieu lui pardonne, c'est chier.] J'ai donc commencé à m'éloigner des institutions religieuses et à faire ma popote dans mon coin. J'ai relu la Bible (bon, pas tout, y a des bouquins bien chiants quand même), j'ai découvert les évangiles apocryphes etc. Et puis, au milieu de tout ça, je me suis demandée si je réfléchissais dans le bon sens : depuis toute petite, on m'a appris que Jésus était né de la Vierge Marie engrossée par l'Esprit Saint, qu'il avait passé sa courte vie à guérir des lépreux et multiplier des pains, puis qu'il est mort et ressuscité le troisième jour et compagnie. Et ce n'est que maintenant que je me pose la question, la vraie : on ne se foutrait pas un peu de ma gueule, par hasard ? Qu'on espère qu'une gamine gobe ces histoires, je veux bien, mais maintenant, je suis adulte, et si je ne crois plus au Père Noël et à la petite souris, ce n'est pas pour croire à ce genre d'histoire. Reprenons donc depuis le début : environ 90% de ce qui est écrit dans la Bible est absolument improbable et contraire à toutes les lois physiques connues, hors vous attendez de moi que j'accepte l'authenticité de ce bouquin sans m'apporter une once de preuve ? Je confirme, vous me prenez pour une quiche.

 

Oh, mais, hé, attention, la Bible n'est pas à prendre au pied de la lettre !

 

…me rétorqueront mes amis Chrétiens. Certes (encore heureux), mais voilà le problème : à la base, la Bible était bel et bien prise au pied de la lettre. Et pour cause, c'était, pour beaucoup, la seule source de réponses aux grandes questions sur la vie, l'univers et le reste. Mais plus les sciences avancent (astronomie : la Terre n'est pas au centre de l'Univers, anthropologie : l'Homme est issu de l'évolution d'un primate, archéologie : Jésus qui?), plus les chrétiens (juifs, musulmans et tous les autres, pas de jaloux) essaient de s'inventer des excuses pour que ça « colle » toujours (« oui, mais c'est métaphorique, c'était pas la même époque, bien sûr qu'on ne peux plus vendre sa fille en esclavage, les voies du Seigneur sont impénétrables... »). Et mon cul, c'est du poulet ?

Les religieux tiennent à leurs croyances d'une manière si forte et défiant toute rationalité que malgré la masse de contradictions apportées au fil des siècles par chariots, ils continuent à s'accrocher aux ruines de leur texte sacré comme si leur vie en dépendait. Si le même phénomène se produisait dans un contexte non-religieux, (remplaçons la Bible par un témoignage à la Cour d'Assise ou un article scientifique publié dans un journal) ça fait longtemps que le texte aurait été abandonné.

La plupart des athées sont des sceptiques : ils sont en général également méfiants en ce qui concerne les phénomènes paranormaux et autres « sciences » occultes, car ils privilégient une approche logique et rationnelle des choses : si tu avances quelques choses (je peux parler avec les morts, le fantôme de ma grand-mère hante mon placard, les constellations définissent ton avenir...), tu dois m'apporter suffisamment de preuves que c'est la vérité. Et par preuve, je ne veux pas dire une vague anecdote racontée par ton collègue à propos de ce que sa tante a entendu l'année dernière. J'entends une reproduction des phénomènes dans des conditions identiques, un test en double aveugle, bref, un truc qui tient la route. Ce genre de preuve ne peut pas être apporté par les croyants. Quand on leur demande pourquoi diable on devrait croire en Dieu, ils répondent en général (liste non-exhaustive) :

  • parce que ça fait du bien (sic)

  • parce que je sens dans mon cœur que Dieu existe (moi j'appelle ça l'excitation sexuelle)

  • parce que si tu crois en Jésus, tu seras sauvé(e) (heu, t'es pas tout seul avec tes lubies, quand même, et si je me plante et que je tombe dans l'enfer hindou?)

  • parce que Dieu a guéri mon lapin du cancer des testicules (non, ton vétérinaire l'a fait, merci pour lui)

  • parce que Dieu est bon (ah oui, et la misère dans le monde et gna gna gna... Oulah, graaaand argument, on va développer ça plus loin).

Et d'autres choses dans le même esprit. Bref, rien de très convainquant. C'est pour ça que la religion, c'est souvent comme un comportement addictif (tabagisme, toxicomanie, boulimie...) : on tombe dedans dans un moment de faiblesse (jeune âge, dépression, prison) et il est difficile d'en ressortir parce qu'on s'y sent bien et qu'on a peur de ce qui pourrait arriver si on arrêtait.

 

Mais on ne peut pas comparer la religion et la science. Je crois en Dieu parce que je sais au fond de moi qu'il existe / on n'a pas besoin de tout prouver / tu n'as qu'à prouver, toi, que Dieu n'existe pas, haha, c'est impossible, je t'ai bien eu.

 

Oui, alors, bon, à propos de la dernière assertion, que j'entends tout de même assez souvent, trop par rapport à l'ineptie dont elle fait preuve, que l'on soit bien clair, il est impossible de prouver que quelque chose n'existe pas. Mais ce n'est pas le but. Car comme je l'ai dis plus haut, l'athéisme n'est pas une religion et le but n'est pas de convertir le monde entier au culte du non-dieu dont nous célébrons les messes tous les mercredis (ouais, je me réserve celui-là, il n'est à personne encore, je crois...). Moi, je ne crois en rien, je ne porte donc pas de culte à qui que ce soit. C'est à toi, le croyant qui veut me traîner à sa messe de Noël, de m'apporter suffisamment de preuves que Dieu existe pour justifier que je gâche tant de temps à l'adorer au lieu de faire des choses plus constructives (comme bénéficier d'un sommeil réparateur le dimanche matin). Ca marche comme la présomption d'innocence : toute personne est considérée comme innocente jusqu'à ce qu'elle ait été déclarée coupable par un tribunal. Tout dieu / esprit / miracle m'est perçu comme inexistant / pouvant être expliqué par des connaissances scientifiques futures jusqu'à preuve du contraire (on fera moins les malins quand ils découvriront dans 50 ans pourquoi cette bonne sœur a été guérie de Parkinson et qu'on passera encore pour des arriérés).

Quand à la conviction profonde dans ton cœur rempli de l'amour de Dieu, je ne la ressens pas. Cela veut-il dire que Dieu n'existe pas ? Ou que nous vivons dans des univers parallèles. Une variante de ces arguments consiste à dire « mieux vaut croire en Dieu et se tromper (il n'y a pas de vie après la mort) que le contraire (on pourrit en enfer) ». Ah ben bravo, merci Saint Augustin pour cette réflexion de premier choix qui montre à quel point tu étais un bel hypocrite. En réponse, je citerai un autre philosophe célèbre, Dider Super : « Moi aussi, je veux être catholique, car on va au Paradis au lieu d'aller nulle part. Mais pour aller au paradis, faut faire des bonnes actions comme par exemple donner du pain à des sales clochards. Mais si t'es gentil avec les sales clochards juste pour avoir ta place au Paradis, ben Dieu il va penser que t'es un peu hypocrite, et ça c'est dur de comprendre quand on est catholique ». Une vie passée à faire des rituels chronophages « juste au cas où », c'est quand même cher payé, si on considère la probabilité de la véracité d'une telle histoire, et également le large panel de religions existantes. Bref, on a plus de chances de gagner au Loto.

 

Bon, hé, tu nous les brises avec ton athéisme. Tu deviendrais pas un peu obsessionnelle ?

 

Jusqu'à présent, on ne voit pas beaucoup de « in void we trust » sur les dollars américains, les athées ne frappent pas à votre porte pour vous apporter l'absence de bonne nouvelle et n'imposent pas leurs jours fériés à tout le monde. Donc dans le genre obsessionnel, on repassera.

Mais je pense que l'athéisme doit être un minimum exprimé parce que dans certains milieux, les athées se sentent quand même un peu tous seuls (« quoi ? Tu crois pas en Dieu ? »). Personnellement, je me suis sentie mieux quand j'ai appris que l'athéisme n'était pas qu'un truc d'ado en phase de rébellion qui veut pouvoir coucher tranquille, mais qu'il était partagé par beaucoup de personnalités (certaines même intelligentes).

L'athéisme doit aussi exister en tant qu'alternative : alternative au « je suis croyant mais pas pratiquant » qu'on a tous prononcé et qui veut, dans la majorité des cas, dire qu'on ne croit pas, alternative aux messes de mariage qu'on se paye parce que la cérémonie est plus jolie qu'à la mairie et qu'on peut mettre des fleurs sur les bancs, alternative au « putain, faut encore que je me farcisse les courses de Noël et on est déjà le 23, fait chier ». Bref, une alternative qui consisterait à assumer une bonne fois pour toute qu'on n'en a rien à tailler et que non, on ne baptisera pas le petit, on peut se faire une bouffe avec la famille sans avoir à l'emmener chez le curé alors qu'on n'a pas envie.

FIN

Naaaan ! On n'a pas développé le super argument de la misère dans le monde et tout le bordel !

Ah oui, crotte. Donc, à ceux qui disent que si Dieu autorise la misère et le malheur parce qu'il a donné à l'Homme le libre arbitre et l'autonomie et je ne sais quel autre tournage autour de pot, je répondrai en citant Epicure : 

Est-ce que Dieu peut prévenir le mal mais n'en est pas capable ? Alors il est impotent.

En est-il capable et manque-t-il de volonté ? Alors il est malveillant.

Est-il capable et possède-t-il la volonté ? Dans ce cas, il est le démon.

Ne possède-t-il ni capacité, ni volonté ? Dans ce cas, pourquoi l'appeler Dieu ?

(il est fort ce mec).

 

 

(L'article ci-dessus est très catholicocentré simplement parce que l'auteur a un background catholique. Libre à vous de remplacer le mot « catholique » par n'importe quel autre mot de votre choix (musulman, juif, hindou, protestant, raëlien...).

Il est également à noter que l'auteur ne souhaite pas la disparition totale de toute religion. Nous vivons en démocratie. De ce fait, chacun est libre de croire ou non à ce qui lui chante, que ce soit Dieu, Jéhovah, Allah, Bouddha, le Père Noël, le Monstre en Spaghettis Volant...)

Publié dans Humeur

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article